S. f. (Morale) ce mot se dit en morale de la séparation du tumulte du monde pour mener chez soi une vie tranquille et privée ; on demande quand cette retraite doit se faire. Ce n'est pas dans la force de l'âge où l'on peut servir la société et remplir un poste qu'on occupe avec fruit, mais quand la vieillesse vient graver ses rides sur notre front, c'est là le vrai temps de la retraite ; il n'y a plus qu'à perdre à se montrer dans le monde, à rechercher des emplois et à faire voir sa décadence. Le public ne se transporte point à ce que vous avez été, c'est un travail et une justice qu'il ne rend guère ; il ne s'arrête qu'au moment présent et juge de votre incapacité. Ayons donc alors le courage de nous rendre heureux par des gouts paisibles et convenables à notre état. Il faut savoir se retirer à propos ; il conviendrait même que notre retraite fût un choix du cœur plutôt qu'une nécessité. (D.J.)

RETRAITE, s. f. c'est dans l'art militaire un mouvement retrograde ou en arrière que fait une armée pour s'éloigner de l'ennemi, après un combat désavantageux, ou pour abandonner un pays où elle ne peut plus se soutenir.

A parler exactement, une retraite n'est qu'une espèce de fuite ; car se retirer, dit M. le chevalier de Folard, c'est fuir ; mais c'est fuir avec art et un très-grand art.

Comme les retraites ne sont que des marches, elles supposent les principes et les règles qu'on doit y observer ; ce qui concerne le passage des rivières, des défilés, et une grande connaissance de la tactique. Il faut de plus avoir le jugement et le coup d'oeil excellents pour changer ou varier les dispositions des troupes, suivant les circonstances des temps et des lieux.

Lorsqu'une armée après avoir combattu longtemps ne peut plus soutenir les efforts de l'ennemi, et qu'elle est forcée de lui abandonner le champ de bataille, elle se retire. Si elle le fait en bon ordre, sans rien perdre de son artillerie ni de ses bagages, elle fait une belle retraite ; telle fut celle de l'armée française après la bataille de Malplaquet. Il est difficîle d'en faire de cette espèce devant un ennemi vif et intelligent ; car s'il poursuit à toute outrance, la retraite, dit M. le Marechal de Saxe, se convertira bientôt en déroute. Voyez ce mot.

Une armée que les forces supérieures de l'ennemi obligent de quitter un pays, fait aussi une belle retraite ; lorsqu'elle la fait sans confusion et sans perte d'artillerie et de bagage.

La retraite des dix milles de Xenophon est la plus célèbre que l'on puisse citer ; elle a fait l'admiration de toute l'antiquité, et jusqu'à présent il n'en est aucune qui puisse lui être comparée, au-moins avec justice.

Qu'on fasse attention que les dix milles Grecs qui avaient suivi le jeune Cyrus en Perse, se trouvaient après la perte de la bataille et la mort de ce prince, abandonnés à eux-mêmes et entourés d'ennemis de tout côté. Que néanmoins leur retraite fut conduite et dirigée avec tant d'ordre et d'intelligence, que malgré les efforts des Perses pour les détruire, et les dangers infinis auxquels ils furent exposés dans les différents pays qu'ils eurent à traverser pour se retirer, ils surmontèrent tous ces obstacles et regagnèrent enfin la Grèce. Cette belle retraite se fit sous les ordres de Xénophon, qui après la mort de Cléarque et des autres chefs, que les Perses firent assassiner, fut choisi pour général : elle se fit dans l'espace de huit mois, pendant lesquels les troupes firent environ 620 lieues en cent vingt-deux jours de marche.

M. le maréchal de Puysegur prétend dans son livre de l'Art de la Guerre, que tout ce qui concerne les retraites, peut s'enseigner par règles et par principes. Il y donne en effet bien des observations qui peuvent être regardées comme la base de leurs principales dispositions ; mais il aurait été fort avantageux de trouver ces principes réunis en un seul article ; on aurait pu s'en former des idées plus parfaites, et acquerir bien plus aisément les connaissances que ses lumières et sa grande expérience le mettaient en état de donner sur cette importante matière.

Comme le succès des batailles n'est jamais certain, les retraites doivent être toujours prévues et arrangées dans l'esprit du général avant le combat ; il ne doit plus être question que de prendre les mesures nécessaires pour les exécuter, sans désordre et sans confusion lorsqu'il en est besoin.

L'objet qui mérite le plus d'attention dans les retraites, est la marche des troupes ensemble et toujours en ordre de bataille. Il faut éviter avec soin tout ce qui pourrait leur donner occasion de se rompre ou de fuir en désordre. Dans ces moments critiques, le général a besoin d'un grand sang-froid et d'une grande présence d'esprit pour veiller au mouvement de toute l'armée, pour la rassurer, lui donner de la confiance, et même la tromper, s'il est possible, sur le danger auquel elle se trouve exposée ; enfin, faire en sorte qu'elle ne se persuade point que tout est perdu, et que la fuite seule peut la mettre en sûreté. C'est un art qui n'appartient qu'aux grands capitaines ; les médiocres ont peu de ressources dans ces occasions ; ils ne savent que dire, suivant l'expression de M. le maréchal de Puysegur, et tout est à l'abandon. Sous des chefs de cette espèce, les retraites se font avec beaucoup de perte et de confusion, à moins qu'il ne se trouve des officiers généraux assez habiles et assez citoyens, pour savoir suppléer à l'incapacité du général.

L'armée est partagée dans les retraites sur autant de colonnes, que les chemins et les circonstances le permettent. Les bagages et la grosse artillerie en forment quelquefois de particulières, auxquelles on donne des escortes assez nombreuses pour repousser les détachements ennemis qui voudraient s'en emparer. On insere l'artillerie légère dans les colonnes d'infanterie, et à la queue, pour assurer la retraite, en cas que l'ennemi veuille les attaquer.

L'arriere-garde est composée d'infanterie ou de cavalerie, suivant les lieux qu'on doit traverser. En pays de plaine, c'est la cavalerie qui veille à la sûreté de l'armée ou qui couvre sa marche ; et dans les pays couverts, montueux, ou fourrés, c'est l'infanterie. Cette arriere-garde doit être commandée par des officiers braves et intelligens, dont la bonne contenance soit capable d'inspirer de la fermeté aux troupes, pour les mettre en état de résister courageusement aux détachements que l'ennemi envoie à la poursuite de l'armée.

Si ces détachements s'approchent de l'arriere-garde pour la combattre, on la fait arrêter, et on les charge avec vigueur lorsqu'ils sont à portée. Après les avoir repoussés, on continue de marcher, mais toujours en bon ordre et sans précipitation. On observe aussi de couvrir les flancs des colonnes, par des détachements capables d'en imposer aux différents partis que l'ennemi pourrait envoyer pour essayer de les couper.

Lorsque l'armée qui se retire est obligée de passer des défilés, on prend toutes les précautions convenables pour que les troupes n'y soient point attaquées, et que l'ennemi n'y puisse point pénétrer. On détruit les ponts après les avoir passés ; on gâte les gués, et l'on rompt les chemins autant que le temps peut le permettre, pour arrêter l'ennemi dans sa poursuite.

Lorsque l'armée se retire en bon ordre, elle cherche à occuper des postes avantageux à quelques marches de l'ennemi, où elle ne puisse être forcée de combatre malgré elle ; ou bien elle se retranche, ou elle se met derrière une rivière dont elle est en état de disputer le passage à l'ennemi.

Si l'armée est fort en désordre et qu'elle ne puisse pas tenir la campagne, on la disperse dans les places les plus à portée, en attendant qu'on ait fait venir les secours dont elle a besoin pour reparaitre devant l'ennemi. On lui fait aussi quelquefois occcuper des camps retranchés sous de bonnes places, où l'ennemi ne peut l'attaquer.

Lorsqu'on veille avec attention sur tout ce qui peut contribuer à la sûreté de l'armée, et qu'en la faisant, on marche toujours en bon ordre, une retraite peut se faire sans grande perte ; mais le succès dépend entièrement des bonnes dispositions, et surtout de la fermeté du général. Il doit agir et commander avec la même tranquillité qu'il le ferait dans un camp de paix ; c'est ce courage d'esprit, supérieur aux événements, qui caractérise les grands capitaines, et qui fait les grands généraux.

Ce qui peut donner de la confiance à un général dans les retraites, c'est l'opinion avantageuse qu'il sait que l'armée a de ses talents et de son courage. En le voyant manœuvrer paisiblement et sans crainte, elle se croit sans danger. Comme la peur alors ne trouble point le soldat, il exécute tout ce qui lui est ordonné, et la retraite se fait avec ordre et pour ainsi dire sans perte ; il ne s'agit pour cela que de la tête et du sang froid du général.

En effet, quelqu'avantage que l'ennemi ait eu dans le combat, il ne peut rompre son armée pour la mettre toute entière à la poursuite de celle qui se retire. Une démarche aussi imprudente pourrait l'exposer à voir changer l'événement de la bataille, pour peu que l'armée opposée ne soit pas entièrement en désordre, et qu'on puisse en rallier une partie ; car c'est une maxime, dit un grand capitaine, que toute troupe, quelque grosse qu'elle sait, si elle a combattu, est en tel désordre, que la moindre qui survient est capable de la défaire absolument. Le général ennemi ne peut donc faire poursuivre l'armée qui se retire, que par différents détachements plus ou moins nombreux, suivant les circonstances, pour la harceler, tâcher d'y mettre le désordre, et de faire des prisonniers ; mais à ces corps détachés une arriere-garde formée de bonnes troupes et bien commandées, suffit pour leur en imposer. L'armée victorieuse ne peut s'avancer que lentement ; elle est toujours elle-même un peu en désordre après le combat : le général doit s'appliquer à la reformer et à la mettre en état de combattre de nouveau, si l'armée adversaire se ralliait, si elle revenait sur lui, ou si sa fuite n'était que simulée comme il y en a plusieurs exemples. Pendant ces moments précieux, (a) on a le temps de s'éloigner sans être fort incommodé des corps détachés, pourvu qu'on ait fait les dispositions nécessaires pour les repousser. C'est ce qui fait penser, qu'une armée bien conduite, qui a combattu et qui se retire, ne devrait perdre autre chose que le champ de bataille (b) ; c'est beaucoup à la vérité, mais l'espérance

(a) C'est une chose longue et difficile, dit M. le duc de Rohan, dans son parfait capitaine, de vouloir remettre en bon ordre une armée qui a combattu, pour combattre de nouveau ; les uns s'amusant au pillage, les autres se fâchant de retourner au péril, et tous ensemble étant tellement émus, qu'ils n'entendent ou ne veulent entendre nul commandement.

(b) Aussi voit-on dans l'histoire que les généraux habiles en perdant une bataille, n'abandonnent guère à l'ennemi, que le terrain sur lequel ils ont combattu. On en trouve un grand nombre d'exemples chez les Romains ; on pourrait en citer de plus modernes ; mais on se contentera de remarquer que le prince d'Orange, Guillaume III. roi d'Angleterre, se retira toujours en bon ordre après ses défaites, quoiqu'il eut en tête des généraux du premier ordre, tels que les Condé et les Luxembourg.

d'avoir bientôt sa revanche ne s'évanouit pas pour cela. Cette perte doit au contraire piquer et aiguillonner le soldat, particulièrement lorsqu'il n'a aucune faute à imputer au général.

En effet, quoiqu'une belle retraite soit capable d'illustrer un général, M. le chevalier de Folard prétend, que ce n'est pas la seule ressource qui reste à un grand capitaine après la perte d'une bataille. " Se retirer bravement et fièrement, c'est quelque chose, dit ce célèbre auteur ; c'est même beaucoup, mais ce n'est pas le plus qu'on puisse faire ; la bataille n'est pas moins perdue, si l'on ne Ve pas plus loin ; c'est ce que fera un général du premier ordre. Il ne se contentera pas de rallier les débris de son armée, et de se retirer en bon ordre en présence du victorieux ; il méditera sa revanche, retournera sur ses pas et conclura de son reste, avec d'autant plus d'espérance de réussir, que le coup sera moins attendu, et d'un tour nouveau ; car qui peut s'imaginer qu'une armée battue et terrassée soit capable de prendre une telle résolution.

S'il n'y avait pas d'exemples, continue le savant commentateur de Polybe, de ce que je viens de dire, je ne trouverais pas étrange de rencontrer ici des oppositions ; mais ces exemples sont en foule non-seulement dans les anciens, mais encore chez nos modernes. Quand même je ne serais pas muni de ces autorités, ma proposition ne serait pas moins fondée sur la raison, et sur ce que peut la honte d'une défaite sur le cœur des hommes véritablement courageux. "

On peut voir dans le commentaire sur Polybe 2. 1. page 106. et suivantes, des exemples sur ce sujet. M. de Folard observe très-bien que ces sortes de desseins ne sont pas du ressort de la routine ordinaire qui ne les conduit, ni ne les apprend, ni des généraux qui la prenne pour guide dans leurs actions. Il est aisé de s'apercevoir que les grandes parties de la guerre y entrent. Le détail, les précautions et les mesures qu'il faut prendre pour réussir sont infinies ; et ces soins, dit l'auteur que nous venons de citer, ne sont pas toujours à la portée des esprits et des courages communs. " Il faut toute l'expérience d'un grand capitaine, une présence d'esprit et une activité surprenante à penser et à agir ; un profond secret et gardé avec art. Cela ne suffit pas encore, si la marche n'est tellement concertée que l'ennemi n'en puisse avoir la moindre connaissance, quand il aurait pris toutes les mesures imaginables. Avec ces précautions ces desseins manquent rarement de réussir, mais il faut qu'un habîle homme s'en mêle. "

Les retraites qui se font pour abandonner un pays où l'on se trouve trop inférieur pour résister à l'ennemi, ou que la disette, les maladies, ou quelqu'autre accident obligent de quitter, demandent aussi bien des réflexions et des observations pour les exécuter sévèrement. On ne saurait avoir une connaissance trop particulière du pays, de la nature des chemins, des défilés, des rivières et de tous les différents endroits par où l'on doit passer. On doit diriger la marche de manière que l'ennemi n'ait pas le temps de tomber sur l'armée dans le passage des rivières et des défilés. Quand on a tout combiné et tout examiné, on peut juger du succès de la retraite, parce qu'on est en état d'apprécier le temps dont on a besoin pour se mettre hors de danger.

La marche doit être vive et légère.

Les équipages doivent partir avant l'armée ; mais il faut faire en sorte que l'ennemi ignore pour quel sujet. Il y a plusieurs manières de cacher le dessein qu'on a de se retirer. Voyez MARCHE et PASSAGE DE RIVIERE.

La grosse artillerie doit partir immédiatement après les équipages. On garde seulement avec les troupes plusieurs brigades légères, du canon pour s'en servir, comme dans les retraites qu'on fait après la perte d'une bataille.

Avant que de mettre l'armée en marche, il faut avoir bien prévu les accidents et les inconveniens qui peuvent arriver, pour n'être surpris par aucun événement inattendu.

Quand les retraites se font avec art, qu'on a l'habileté d'en cacher le dessein à l'ennemi, elles se font avec sûreté, même en sa présence. " C'est une opinion vulgaire, dit M. le maréchal de Puysegur, de croire que toute armée qui se retire étant campée trop proche d'une autre, soit toujours en risque d'être attaquée dans sa retraite avec désavantage pour elle. Il y a fort peu d'occasions où l'on se trouve en pareil danger, quand on a étudié cette matière, et qu'on s'y est formé en exerçant sur le terrain. "

En effet, la retraite de M. de Turenne de Marlen à Deltveiller, en 1674, se fit par plusieurs marches toujours à portée de l'ennemi, sans néanmoins en recevoir aucun dommage. " Ce général, dit M. le marquis de Feuquière, était infiniment inférieur à M. l'électeur de Brandebourg, qui voulait le forcer d'abandonner l'Alsace, ou à combattre avec désavantage. M. le maréchal de Turenne ne voulait ni l'un, ni l'autre de ces deux partis.

Sa grande capacité lui suggera le moyen de chicaner l'Alsace par des démonstrations hardies, qui ne le commettaient pourtant pas, parce qu'il se plaça toujours de manière qu'ayant sa retraite assurée pour reprendre un nouveau poste, sans craindre d'être attaqué dans sa marche, il se tenait avec tant de hardiesse à portée apparente de combattre ce jour-là, que M. de Brandebourg remettait au lendemain à entrer en action lorsqu'il se trouvait à portée de notre armée.

C'était ce temps-là que M. de Turenne voulait lui faire perdre, et dont il se servait pour se retirer dès qu'il était nuit pour aller prendre un poste plus avantageux. " Mém. de Feuquière, II. XIe page 332. Voyez sur ce même sujet les mémoires des deux dernières campagnes de M. de Turenne.

Outre les retraites dont on vient de parler, il y en a d'une autre espèce qui ne demandent ni moins de courage, ni moins d'habileté. Ce sont celles que peuvent faire des troupes en garnison dans une ville, ou renfermées dans un camp retranché, assiegées ou investies de tous côtés.

Une garnison peut s'évader ou se retirer secrètement, dit M. de Beausobre dans son commentaire sur Enée le tacticien, par quelque galerie souterraine, par des marais, par une inondation qui a un gué secret, par la rivière même en la remontant ou descendant avec des bateaux, des radeaux, ou en la passant à gué. Elle le peut encore par une inondation enflée par des écluses qu'on ouvre pendant quelques heures pour le rendre guéable.

Pour réussir dans cette entreprise, il ne faut pas que la ville soit exactement investie, et que les troupes aient beaucoup de chemin à faire pour se mettre en sûreté. Comme il est important de rendre la marche légère pour la faire plus lestement, ou plus promptement, on doit, s'il y a trop de difficultés à se charger du bagage, l'abandonner, et tout sacrifier à la conservation et au salut des troupes.

Une retraite de cette nature bien concertée, ne peut guère manquer de réussir heureusement. En tout cas, le pis qui en puisse arriver, c'est, comme le dit M. Belidor, de tomber dans un gros d'ennemis, et de supporter le sort qu'on voulait éviter, c'est-à-dire, d'être prisonniers de guerre. Car ce n'est guère que dans ce cas qu'il faut tout risquer pour ne point subir cette facheuse condition.

Quel que soit l'événement d'une action de cette espèce, elle ne peut que faire honneur au courage de celui qui ose le tenter. C'est ainsi que M. Peri sauva la garnison d'Haguenau, que les ennemis voulaient faire prisonnière de guerre. M. Folard raconte ce fait fort au long dans son premier volume de son commentaire sur Polybe. Nous allons le rapporter d'après M. le marquis de Feuquière, qui le donne plus en abrégé dans le quatrième volume de ses mémoires.

" En l'année 1705, les ennemis avaient assiégé Haguenau, fort mauvaise place, dans laquelle M. le maréchal de Villars avait laissé M. Peri avec quelques bataillons. Comme les ennemis faisaient ce siege derrière leur armée, ils ne crurent pas qu'il leur fût nécessaire d'investir la place régulièrement. M. Péri la défendit autant qu'il lui fut possible ; mais se sentant hors d'état d'y faire une plus longue résistance, il fit battre la chamade un peu avant la nuit, et proposer des articles si avantageux pour la garnison, qu'ils ne furent point accordés. On recommença donc à tirer.

Il avait besoin de tout ce temps-là pour évacuer les équipages de sa garnison, avec escorte par le côté qui n'était point investi. Après quoi la garnison se retira, ne laissant que quelques hommes dans les angles du chemin couvert, pour en entretenir le feu, lesquels même ignoraient ce qui se passait dans la place, afin qu'un déserteur ne put avertir l'ennemi de la sortie de la garnison. Quand M. Peri se crut assez éloigné de la place, il envoya retirer les hommes qu'il avait laissés dans les dehors, et ils le joignirent tranquillement. Ainsi, il retira toute la garnison de Haguenau, et il rejoignit l'armée sans avoir pardu un seul homme dans sa retraite, qui ne fut connue de l'ennemi qu'au jour, lorsqu'il était déjà hors de portée d'être joint par la cavalerie que l'ennemi avait pu envoyer à sa suite ".

On peut à cet exemple en ajouter un autre plus moderne, mais d'une bien plus grande importance ; c'est la retraite de Prague par M. le maréchal de Bellisle. Quoique cette place fût bloquée de tous côtés, les troupes de France, au nombre d'environ quatorze mille hommes, tant de cavalerie que d'Infanterie, en sortirent la nuit du 16 au 17 Décembre 1742. " M. le maréchal de Bellîle déroba 24 heures de marche pleines au prince de Lobkowitz, qui n'était qu'à cinq lieues de lui. Il perça ses quartiers, et traversa dix lieues de plaines, ayant à trainer un haras de 5 ou 6000 chevaux d'équipages, des caissons, du pain ; trente pièces de canon, tout l'attirail, toute la poudre, les balles, les outils, etc. "

Il arriva à Egra sans échec, en dix jours de marche, pendant lesquels l'armée fit trente-huit lieues au milieu des glaces et des neiges, ayant été continuellement harcelée de hussards en tête, en queue et sur les flancs. " On ne perdit que ce qui n'avait pu supporter la fatigue et la rigueur inexprimable du froid, qui avaient été l'un et l'autre au-delà de toute expression ". Cette belle retraite couta 7 à 800 hommes morts de froid dans les neiges, ou restés sans force de pouvoir suivre. M. le maréchal de Belleîle avait la fièvre depuis six jours lorsqu'il sortit de Prague ; cependant malgré cette maladie et ses autres incommodités, il soutint avec courage les fatigues extraordinaires de cette pénible, mais célèbre retraite, que les fastes militaires ne laisseront pas de faire passer à la postérité, avec les éloges dû. à la conduite et à la fermeté du général par lequel elle fut entreprise et exécutée.

L'antiquité fournit plusieurs exemples de troupes qui, par une retraite habilement conçue et exécutée, échappèrent aux ennemis qui les bloquaient. Nous terminerons cet article par celui d'Annibal fils de Giscon, à Agrigente.

Les Romains avaient formé le blocus de cette ville de Sicile, qui servait d'entrepôt aux Carthaginois. Il y avait cinq mois qu'Annibal le soutenait lorsque le sénat de Carthage envoya Hannon à son se cours. Ce général ayant été battu par les Romains, Annibal qui n'avait plus d'espérance d'être secouru, et qui manquait de tout, fit des dispositions pour sauver sa garnison. Il sortit de la place avec ses troupes, le nuit même qui suivit le jour du combat. Il arriva sans bruit et sans obstacles aux lignes de circonvallation et de contrevallation des ennemis ; il en combla le fossé, et il fit sa retraite sans que les Romains s'en aperçussent que le lendemain. Ils détachèrent des troupes après lui ; mais elles ne purent atteindre que son arriere-garde, à laquelle elles firent peu de mal. Voyez sur ce sujet l'histoire de Polybe, liv. I. ch. IIIe (Q)

RETRAITE, battre la retraite ; c'est battre le tambour à une certaine heure du soir, pour avertir les soldats de se retirer à leurs quartiers dans les garnisons, ou à leurs tentes dans un camp. Voyez TAMBOUR. Chambers.

RETRAITE, (Marine) lieu où les pyrates se mettent en sûreté.

RETRAITE des hunes, ou cargues des hunes, (Marine) ce sont des cordes qui servent à trousser le hunier.

RETRAITE, terme de commerce de lettres-de-change ; c'est une somme tirée sur quelqu'un, et par lui retirée sur une autre. Les traites et les retraites ruinent les négociants. Voyez TRAITE. Dictionnaire de comm. et de Trévoux.

RETRAITE, (Maréchalerie) les Maréchaux ferrants appellent ainsi une portion de clou qui a resté dans le pied d'un cheval.

C'est aussi une espèce de longe de cuir attachée à la bride du cheval de devant d'une charrette, et liée à un cordeau, dont on se sert pour manier le cheval.

RETRAITE, en fait d'escrime ; on dit faire retraite lorsqu'on se met tout à fait hors d'atteinte et des estocades de l'ennemi.

Ordinairement on fait retraite après une attaque vive, et après avoir détaché quelques bottes de reprises. La meilleure méthode de faire retraite, est de reculer simplement deux pas en arrière, en commençant par le pied droit, le faisant passer derrière le gauche, et ensuite le gauche devant le droit.

Il y en a qui font deux sauts en arrière, ils sont bien les maîtres, mais je ne conseille à personne de les imiter.

RETRAITE, (Architecture) est un petit espace qu'on laisse sur l'épaisseur d'un mur ou d'un rempart à mesure qu'on l'éleve. Voyez MURAILLE, REMPART.

C'est proprement la diminution d'un mur en-dehors, au-dessus de son empatement et de ses assises de pierre dure. On fait deux ou trois retraites en élévant de gros fondements, les parapets sont toujours bâtis en retraite.

RETRAITE, s. f. terme de Bourrelier ; espèce de longe de cuir attachée à la bride du cheval de devant, liée à un cordeau dont on se sert pour manier un cheval.

RETRAITE, mettre les cuirs en ; terme de Hongrieur qui signifie les arranger dans une cuve, où on les laisse tremper dans de l'eau d'alun pour leur faire prendre nourriture.

RETRAITE, (Chasse) on dit sonner la retraite pour faire retirer les chiens.